Apprendre à partir des échecs et des erreurs
L’échec a un potentiel destructeur et un potentiel constructif. C’est vous qui allez déterminer et cultiver un aspect plutôt qu’un autre, selon votre perspective, vos pensées, votre monologue intérieur et votre perception de vous-même.
Les études mettent en relief l’aspect constructif de l’échec puisqu’il semble augmenter les chances de succès d’un projet futur grâce aux apprentissages réalisés (Shepherd et Al., 2009).
Réflexion constructive versus destructive
La mort des entreprises et des startups est la norme : c’est ce qui arrive dans la majorité des cas (INSEE, 2011). Le véritable échec n’est donc pas tant dans la mort de l’entreprise, mais plutôt dans le fait de rester bloqué sur l’échec et de ne pas tirer d’enseignements de la fin du projet entrepreneurial.
Il est important de se poser des questions constructives plutôt que destructives :
- Les questions constructives permettent de tirer des enseignements, des informations et de la valeur : « Qu’est-ce que j’ai appris de cet échec ? », « Au-delà de cet échec, qu’est-ce que cette aventure m’a apporté ou quelles compétences j’ai pu développer ? », « Si la situation devait se reproduire, qu’est-ce que je pourrais changer dans ma façon de faire pour obtenir un meilleur résultat ? » « Comment pourrais-je anticiper ce type de situation à l’avenir ? »
- Les questions destructives ne font que détruire notre estime, notre moral et notre motivation. En psychologie on parle de ruminations mentales, il s’agit de ressasser des pensées négatives centrées sur le problème sans aspect constructif. C’est comme s’infliger des coups de fouet, la seule différence est que la douleur est mentale et non physique.
Risques de non apprentissage par l’échec
« N’ayez pas peur de faire une erreur. Mais faites en sorte de ne pas faire la même erreur deux fois », Akio Morita, fondateur de Sony
L’échec étant passé et impossible à modifier, la seule action positive qu’il nous reste est d’en tirer des enseignements. Le plus gros risque serait de ne pas en tirer de leçons car on cumule l’échec et le risque de le reproduire.
Il y a deux façons de ne pas apprendre de l’échec :
- Ne pas tirer de leçon de l’échec : comme l’échec de l’entreprise est très désagréable, on peut être tenté de réagir par un mécanisme d’évitement, on fait tout pour éviter de repenser ou d’analyser l’échec. Il peut y avoir une sorte de fuite en avant avec un surinvestissement dans d’autres projets ou domaines pour éviter d’y penser. Dans ce type de fonctionnement, il y a une reconstruction précipitée sans acceptation et sans apprentissage, donc sans les fondements importants pour avancer intelligemment.
- Tirer les mauvaises leçons : pour différentes raisons, on peut se tromper sur les causes de l’échec ou sur les erreurs qui ont pu être commises. Par exemple, on peut avoir tendance à attribuer l’échec à des causes extérieures pour préserver notre estime personnelle !
On voit bien que la cause essentielle de non apprentissage est d’ordre émotionnel et psychologique. La réalité est trop désagréable, du coup on essaye d’y faire face avec des mécanismes de défense qui causent un dommage collatéral majeur : l’absence d’apprentissage. A vous de voir quel est le choix le plus intéressant : l’apprentissage ou une illusion de confort psychologique temporaire ?
Les raisons qui nous amènent à tirer des mauvaises leçons par une analyse biaisée :
- Pour préserver son estime de soi : on est souvent tenté d’attribuer l’échec à des facteurs externes pour se déresponsabiliser et ne pas attaquer notre sentiment de compétence.
- Pour préserver une image positive auprès des autres : de la même manière, nos explications de l’échec vont surtout avoir comme fonction de maintenir une image positive de nous auprès des autres. Le niveau d’adhésion aux explications peut varier, soit c’est une histoire qu’on raconte aux autres sans y croire, soit on l’intègre à notre explication.
- Par attachement émotionnel important au projet : l’attachement, l’espoir et l’idéalisation du projet entrent en contradiction avec son échec ! Il s’agit d’une dissonance cognitive, c’est à dire d’un conflit intérieur, que le cerveau va tenter de résoudre en attribuant l’échec du projet à des facteurs extérieurs.
- Par culpabilisation excessive : lorsqu’on doute de ses compétences ou que l’on a une faible estime de soi, on peut être tenté de s’attribuer la totale responsabilité de l’échec, sans prendre en compte les autres acteurs (les cofondateurs notamment) ou des facteurs extérieurs qui ont pu participer à l’échec.
- Par manque de feedback ou de capacité à interpréter le feedback : les situations sont souvent complexes et multifactorielles, il est donc difficile d’avoir des retours ou de les interpréter correctement pour bien saisir les causes de l’échec. Le fait d’avoir une bonne connaissance des théories et des concepts liés au processus entrepreneurial permet d’analyser l’échec avec une grille de lecture pertinente. Le fait de n’avoir aucune connaissance sur le sujet rend beaucoup plus difficile la compréhension des mécanismes en jeu dans l’échec. N’hésitez pas à lire des livres sur le sujet et à en parler à d’autres entrepreneurs pour avoir leur retour.
Concernant les trois premiers mécanismes, il est crucial d’être capable de se remettre en cause pour apprendre de ses échecs, sinon il est impossible de progresser. Et pour être capable de se remettre en cause, il est essentiel de le faire avec une attitude bienveillante et tolérante avec soi-même, plutôt que comme un enseignant sévère qui tape sur les doigts de ses élèves en cas d’erreur. Une attitude bienveillante, c’est accepter qu’on fasse des erreurs et qu’on ne soit pas parfait ! Le perfectionnisme est souvent l’ennemi de l’apprentissage, car une personne qui s’impose de très hautes exigences n’ose parfois pas se confronter à des erreurs et à l’imperfection, or c’est essentiellement grâce aux erreurs commises que l’on apprend.
Style d’attribution et biais cognitifs
Toute la difficulté est de comprendre l’échec et d’identifier les bonnes causes. On peut expliquer nos échecs de manière externe (la malchance, les clients, les partenaires…) ou de manière interne (nos décisions, nos compétences…).
En psychologie, on observe des styles d’attributions particuliers :
- Certains ont tendance à attribuer l’échec aux autres et les réussites à eux même : ils ont une forte estime, mais de manière artificielle.
- D’autres attribuent l’échec à eux et les réussites aux autres : ils souffrent d’une mauvaise estime.
Dans ces deux cas, il s’agit de biais cognitifs, c’est à dire d’une vision déformée et biaisée de la réalité. Si vous expliquez des situations différentes avec la même hypothèse, il y a de grandes chances que ce soit d’avantage une projection de vos schémas de pensée sur la situation plutôt qu’une analyse objective.
Les causes externes sont pratiques car elles nous dédouanent de notre responsabilité dans l’échec, elles peuvent agir comme un mécanisme de défense pour mieux gérer la culpabilité et le sentiment d’échec. Pour tirer de réels enseignements, il est important de chercher les véritables causes de l’échec et de mettre de côté les mécanismes de défense. D’autres personnes en revanche ont tendance à se culpabiliser alors qu’elles ne sont pas responsables. Le juste milieu c’est de trouver les raisons objectives, pas les raisons qui sont congruentes avec nos schémas mentaux.
Internaliser les facteurs externes
Même si après une analyse plutôt objective, il en ressort des causes essentiellement externes, il est important de se demander comment est-ce qu’on aurait pu éviter ces problèmes. Une cause externe n’est pas intéressante en soi car elle ne semble pas dépendre de nous. L’objectif étant de tirer un enseignement qui permettra d’éviter ces erreurs à l’avenir, il est important d’identifier des facteurs sur lesquels on a un contrôle ! Autrement dit, il faut chercher les facteurs internes contrôlables associés aux facteurs externes d’échec !
Par exemple, si un employé commet une faute majeur qui cause de graves dysfonctionnements dans l’entreprise, la cause semble à priori externe. On pourrait se dire « dommage, j’y pouvais rien, j’espère juste que ça ne se reproduira pas », cependant il n’y a aucune leçon apprise. C’est nous qui avons recruté cet employé et qui l’avons supervisé, il est donc intéressant de se demander « Comment est-ce que je pourrais faire pour sélectionner mes employés de manière à éviter que cette erreur ne se reproduise ? » ou « Comment accompagner mes employés pour leur éviter de faire cette erreur ou d’autres erreurs dans l’avenir ? ».
L’objectif n’est pas de se culpabiliser en se cherchant une responsabilité à tout prix, mais de chercher des points de responsabilité pour avoir plus de contrôle sur la situation et minimiser ainsi l’impact des facteurs extérieurs et aléatoires sur notre réussite.
Le rôle du hasard
Parfois la stratégie utilisée était la bonne mais ne paye pas, ou à l’inverse c’était la pire façon de le faire et ça a marché quand même !
L’entrepreneuriat c’est un terrain de jeu probabiliste : c’est à dire que même la meilleure stratégie ne marche pas systématiquement, elle augmente simplement votre probabilité de réussite ! Dans un milieu probabiliste, c’est seulement sur le long-terme qu’on voit les stratégies qui marchent car à court-terme même la meilleure stratégie peut échouer.
Le poker est un jeu probabiliste qui illustre cela très bien : ce qui compte ce n’est pas de perdre ou de gagner à court-terme car même avec la meilleure main et la meilleure stratégie on peut manquer de chance sur un coup. Un bon joueur c’est quelqu’un qui a une stratégie payante sur le long-terme. Il doit justement éviter de « tilter », c’est à dire éviter de dévier de sa stratégie rationnelle et gagnante à long-terme au profit d’une stratégie émotionnelle perdante.
C’est très contre-intuitif d’intégrer le fait qu’une bonne stratégie puisse entraîner un résultat négatif. Il est important d’avoir en tête des aspects de chance et de hasard pour éviter de changer des stratégies qui sont efficaces mais qui n’ont pas marché sur un seul essai. Il est cependant capital de ne pas tout expliquer par la malchance pour ne jamais avoir à remettre en cause l’efficacité de ses stratégies.
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Bibliographie
Commission Européenne. 2007. Surmonter les stigmates de la faillite d’entreprise – Pour une politique de la deuxième chance. Bruxelles
Cusin, J. (2009). La réalité de l’apprentissage par l’échec en entreprise: une approche behavioriste enrichie des émotions. Management international/Gestiòn Internacional/International Management, 13(4), 27-45.
De Hoe, R., & Janssen, F. (2014). L’échec entrepreneurial comme voie de succès futur.
Hessels, J., Grilo, I., Thurik, R., & van der Zwan, P. (2011). Entrepreneurial exit and entrepreneurial engagement. Journal of Evolutionary Economics, 21(3), 447-471.
INSEE. (2011). Enquête SINE, interrogations 2011. Récupéré sur INSEE: Enquête survie et succès des entreprises 5 ans plus tard
Lasch, F., Le Roy, F., & Yami, S. (2005). Les déterminants de la survie et de la croissance des start-up TIC. Revue française de gestion, (2), 37-56.
Shepherd, D. A. (2003). Learning from business failure: Propositions of grief recovery for the self-employed. Academy of management Review, 28(2), 318-328.
Ucbasaran, D., Shepherd, D. A., Lockett, A., & Lyon, S. J. (2013). Life after business failure the process and consequences of business failure for entrepreneurs. Journal of Management, 39(1), 163-202.
1 Comment
Bienvenue Romuald Kouakou
février 22, 2018at 7:55 amtrès bien développé . mais dit ;
en quoi la probabilité et la statistique sont d’une importances cruciale dans une entreprise commercial????